Aujourd'hui, avec le blaireau, je poursuis mon survol du matériel nécessaire à un rasage au rasoir de sureté.
Cet outil (le blaireau) aurait pu s’appeler de manière plus générique un pinceau ou une brosse de rasage (en anglais, on utilise d’ailleurs le terme
shaving brush ou
shave brush). Mais sans doute a-t-on estimé que, quitte à réquisitionner au blaireau (l'animal) ses poils pour fabriquer des brosses, on pouvait tout aussi bien lui emprunter son nom (tant qu’à faire…).
Les blaireaux (les brosses) ne sont pourtant pas tous faits de poils de l’animal éponyme, mais aussi de soies de sanglier, de crins de cheval ou de fibres synthétiques.
De la nature du poil vont dépendre la facilité à obtenir d’un savon une belle mousse, mais aussi les sensations de fermeté ou de souplesse, de piquant ou de douceur, etc.
Le poil de blaireau diffère en qualité selon l’endroit du corps de l’animal où il est prélevé. D'un fabricant à l'autre, plusieurs catégories seront distinguées : le français
Plisson en voit cinq (noir, gris de Russie, gris européen, blanc européen et blanc de haute montagne), mais l’anglais
Simpson trois (
pure badger,
best badger et
super badger), l’espagnol
Vie-Long cinq, comme
Plisson, mais pas les mêmes (
gris,
negro,
punta gris,
blanco et
punta plata), etc. Bref, pas de typologie stricte et des distinctions qui ne relèvent pas que de la biologie de l'aimable mammifère, mais aussi de la segmentation marketing.
Je ne rentrerai pas ici dans les détails des catégories (j’y consacrerai peut-être un article à part entière un jour), mais je précise néanmoins au néophyte, avant qu’il ne casse sa tirelire, que les poils sombres, fermes et peu chers ne font pas forcément de mauvais blaireaux. Ces poils sont d’abord moins chers parce qu’en abondance sur le corps de l’animal, contrairement aux poils à la pointe blanche ou argentée. Mais un
pure badger peu coûteux n’est pas moins bon dans l’absolu qu’un
super badger au prix élevé. Faire le bon choix est d’abord une question de sensations recherchées : il faut savoir ce que l’on veut sans se laisser impressionner par le prix ou le discours marketing. Mon blaireau
Maison du Barbier « pur gris » d'entrée de gamme me picote et me masse agréablement les joues depuis plus de cinq ans et c’est aussi pour cela que je l’apprécie :
La soie de sanglier présente à mon (très humble) avis plus d’inconvénients que d’avantages par rapport au poil de blaireau. Notamment, les brosses en soie demandent à être rodées plusieurs semaines ou plusieurs mois avant de se montrer pleinement efficaces (avant que les soies ne se divisent à leurs extrémités et que le pinceau ne s’ouvre). Ensuite, il convient de tremper la brosse quelques minutes dans l’eau avant utilisation, ce qui est un peu ennuyeux. Enfin, si ces brosses peuvent produire de très belles mousses, ce n’est pas toujours aussi facile qu’avec du poil de blaireau.
Mais bref, je ne cherche pas à dresser un tableau négatif des brosses en soies de sanglier, j’exprime juste que c’est un bon matériau, mais peut-être pas le meilleur. En tout cas, les prix bas invitent à la découverte, comme ce petit blaireau sans marque, avec manche en bois de Madère, que l’on trouve à 2,20 € environ en supermarché au Portugal :
Le crin de cheval, franchement, je n’en ai jamais essayé. Plutôt que de mal recopier des choses mieux écrites ailleurs, je vais sagement m’abstenir, j’en parlerai une autre fois, quand je m’y serai un peu frotté. Tout ce que je sais, c’est que l’espagnol
Vie-Long propose plusieurs modèles :
La fibre synthétique est à la fois ancienne et nouvelle. Ancienne, elle est assez mauvaise ; nouvelle, assez excellente. Sont arrivées depuis quelques années à peine, chez
Plisson ou chez
Mühle par exemple, des brosses en fibres synthétiques extrêmement séduisantes : très abordables, robustes, fermes et douces à la fois, remarquablement performantes (peu de savon produit une montagne de mousse). La fibre vient franchement questionner la suprématie du blaireau, d’autant que l’on peut attendre de nouveaux progrès à l’avenir. Pour ma part, je suis conquis par ces nouvelles fibres et je ne peux que les conseiller à des débutants qui peinent parfois à obtenir une belle mousse.
Je conclue ce post en évoquant rapidement d'autres caractéristiques d'une brosse de rasage que le poil lui-même :
- la taille : on trouve à la fois de très petites comme d’immenses brosses, pour lesquelles on pourra considérer la hauteur (du pied du manche à l’extrémité des poils), la sortie (la longueur du poil) ou le diamètre (diamètre à la base de la touffe),
- le matériau du manche qui peut être une résine, un plastique, du métal, de la corne, du bois (qu'il faudra peut-être protéger avec un corps gras en raison du contact régulier avec l'eau),
- la coupe de la touffe de poils : en boule, en éventail, etc.
Et voilà pour aujourd’hui ! Je parlerai des crèmes et savons la prochaine fois.